Histoire des communes

Commerce & industrie : Manou

 

Les activités en 1899

En 1899 et selon l'instituteur Louis Leduc la population active peut se diviser en trois grands groupes :
- les agriculteurs qui font des cérales, mais aussi l'élevage des veaux et des volailles. La terre vaut 1500 à 1600 francs l'hectare. Au début du XXe siècle l'élevage des chevaux est aussi développé.
- les bûcherons. Le commerce du bois est prospère et alimente de nombreuses saboteries.
- les sabotiers. L'industrie du sabot est importante et occupe environ 40 personnes sur 206 électeurs, sans compter les jeunes de moins de 21 ans et les ouvriers des communes voisines employés dans les ateliers de Manou.

Il y a aussi des commerçants : deux épiceries, un boucher, un boulanger, un marchand de nouveautés et 13 cafés dont 7 dans le bourg.

Artisanat et industries.

Dans le passé, Manou a aussi connu de nombreuses activités artisanales :
- une verrerie à côté de l'étang des Guérinots très prospère sous le Directoire.
- une mine de fer à La Fresnay et au Bois Joli
- une fonderie dans le bourg
- des forges à La Villedieu et à l'Abime
- une tuilerie à Hérissé
- une marnière entre La Bizotterie et Le Boulay

Il y avait aussi quatre moulins : un moulin à vent, et trois moulins à eau, au bourg, aux Masures et aux Hautes Brosses.

Les Sabotiers

Pour l'année 1856, on compte 41 sabotiers répartis sur le bourg et 14 hameaux ; si on exclut 3 « anciens », l’âge moyen est de 36,5 ans, et varie de 15 à 64 ans.

Le Long des Bois : 8 sabotiers, 2 marchands sabotiers
le bourg : 6 sabotiers, 1 ancien sabotier
Le boulay : 4 sabotiers
Les Mazures : 4 sabotiers
Les Thiboudieres : 4 sabotiers, 1 ancien sabotier
Le Charme : 3 sabotiers, 1 marchand sabotier, 1 ancien sabotier
Les Ailes Blanches : 3 sabotiers
Les Montagnes : 2 sabotiers, 1 ancien sabotier
La Hoiserie : 1 sabotier
La Villedieu : 1 sabotier
Le Gué la Reine : 1 sabotier
Les 4 Vents : 1 sabotier
Les Crabassinnières : 1 sabotier, 1 marchand sabotier
Les Fossés : 1 sabotier
Moulin à Vent : 1 sabotier

total pour MANOU : 41 sabotiers

La présence massive de sabotiers dans le Perche est liée à l’importance de la forêt. Le moine Aimoin disait au Xe siècle que "le Perche, c'est la plus grande forêt entre la Loire et la Seine". Elle est à Bellême, à La Ferté-Vidâme, à Reno-Valdieu, à Longny ou à Senonches.

La forêt de Senonches couvre près de 4300 hectares comprenant une futaie divisée en 2 séries et une section de taillis. Les principales essences sont le chêne 63%, le hêtre 21%, le charme 6%...La forêt donne du travail à une nombreuse population : bûcherons, charretiers, fendeurs, charbonniers, scieurs… Les bois de chênes sont vendus à Chartres, Le Mans ou Paris pour les usages nobles ; mais il y a aussi des bois de chauffage pour les usages domestiques et industriels. Quant aux bois de hêtres, ils sont débités pour les sabotiers et les boisseliers de la région. La saboterie fut pendant longtemps une activité emblématique de Senonches et de ses alentours ; on y estime à environ 300 le nombre de sabotiers au début du XIXè siècle.

Des ouvriers-sabotiers travailleurs à domicile.

L’expansion de la saboterie percheronne est due à la proximité de Paris qui constituait le débouché commercial essentiel. L’importance de ce marché a induit l'organisation d'un système de travailleurs à domicile disséminés dans les villages et hameaux.

L'industrie sabotière du Perche est dominée par des négociants (le plus souvent parisiens) qui déterminent le type et la qualité des sabots à produire, et traitent avec des marchands-fabricants ou maîtres-sabotiers locaux.

Ainsi dans le RGP 1856 de Manou, sont distingués 5 « marchands de sabots » :

au bourg, Louis Gravelle 36 ans
au Long des Bois, Louis Georget 40 ans, et Pierre Corron 56 ans
au Charme, Louis Geslain, 46 ans
aux Crabassinières Jean Désiré Corron 46 ans

Les maîtres-sabotiers font fabriquer à des ouvriers-sabotiers qui travaillent à leur domicile, et avec lesquels sont passés des "arrangements". Lors de la période de la plus forte croissance, vers 1860, un négociant parisien donnait des ordres à environ 25 maîtres-sabotiers qui chacun avait 50 à 60 ouvriers.

Les sabotiers travaillent à domicile dans un atelier. En effet l'équipement et l'outillage nécessaires sont si peu importants qu'il suffisait d'une pièce pour fabriquer, (voire vendre) et stocker. Près de la fenêtre, était placée la "chèvre", sorte de chevalet à trois pieds comportant un siège pour l'ouvrier et un étau servant à tenir ferme le morceau de bois dont était tiré le sabot. Le fond du local servait à empiler le bois.

La fabrication des sabots se déroule en plusieurs opérations : le premier temps consiste à "bûcher", c’est à dire à donner à la bûche l'apparence d'un sabot. La seconde opération est "la creuse", et la troisième consiste à terminer le dressage de la semelle et à façonner le dessus et le talon. Il y a ensuite une période de séchage de trois à cinq mois à l'abri du vent de peur que les sabots ne se fendent. Les sabots de cérémonie étaient gravés et étaient dotés d’une bride en cuir avec motifs incrustés, comme de la dentelle pour les plus beaux.

Evolution sociale des sabotiers.

La définition des ouvriers-sabotiers est très différente de celle plus traditionnelle des artisans sabotiers indépendants auxquels on pense spontanément. Les ouvriers sabotiers du Perche, au début du XIXe siècle, étaient parmi les plus pauvres habitants des campagnes et se retrouvaient les plus mauvaises années parmi les indigents. Cependant, la conjoncture, grâce notamment à une demande croissante dans les années 1860, est devenue plus favorable et la vie des ouvriers sabotiers s'est améliorée ; on a constaté qu'à ce moment le revenu du sabotier est supérieur à celui du journalier.

Dans la phase d'expansion économique générale qui caractérise le Second Empire, les ouvriers sabotiers du Perche ont pu progresser dans l'échelle sociale ; ils ont pu acquérir un "petit bien", (maison, parcelle de terre, voire petite propriété..), et passer, eux ou leurs enfants, au statut de "propriétaire et cultivateur ».

L'expression de "propriétaire" a une connotation symbolique très forte à la fin du XIXe siècle pour des hommes qui sont sortis progressivement de la misère et peuvent occuper une place toute différente dans la vie villageoise. Ceci explique probablement qu’on trouve souvent le terme de "propriétaire" comme profession déclarée dans les actes d'état civil.

Artice paru dans le souaton N° 103, par Dominique LECOINTRE-MONTAGNE.


Source : Monographies

Saisie : Dominique LECOINTRE-MONTAGNE

Dernière modification : 17 Décembre 2010

 

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