Histoire des communes

Commerce & industrie : Coulonges-les-Sablons

GUILLAUME LAILLET, 1624-1694, Texier en toile

PAUVRE MENDIANT SA VIE A SAINT-VICTOR-DE-BUTHON

Le dimanche 10 janvier 1694 est inhumé au cimetière de Saint-Victor-de-Buthon Guillaume Laillet, âgé de 70 ans, pauvre mendiant sa vie, mort au village de La Quetterie après avoir reçu les sacrements de pénitence et d'extrême onction. Sont présents Louis Miollais le jeune, Jean Jumeau, et François Deshayes.

Une sépulture ordinaire qui surprend simplement par la formule : pauvre mendiant sa vie. La misère est immense en ce terrible hiver de grande famine 1693-1694 pendant lequel le nombre de mendiants et vagabonds explose dans toute la France. Dans le Bourbonnais ou le Lyonnais, les paysans font du pain de racines de fougères ; selon un prêtre de Saint-Etienne « les boyaux des poulets, des dindons, des lapins étaient pour la plupart d'agréables morceaux ». La famine est épouvantable. On estime qu'environ 1 300 000 sujets du roi trépassent.

Pourtant rien ne dit que Guillaume Laillet était un mendiant au sens vagabond. La formule mendier sa vie signifie : demander par aumône ce qui est nécessaire à la vie. On peut imaginer que devenu vieux et n'ayant plus la force de travailler il avait trouvé refuge dans la famille de sa fille Marie femme de Louis Miollais laboureur à Saint-Victor ; n'ayant plus rien il était à la charge de ses enfants. Dans ses derniers mois de misère absolue il a dû se souvenir qu'il avait été un artisan capable de nourrir sa famille.


TEXIER EN TOILE A COULONGES-LES-SABLONS

Sous le règne de Louis XIII Guillaume Laillet est né vers 1624. En 1647, alors que Louis XIV est devenu roi en 1643, le curé Jean Lochon de Condé-sur-Huisne lui signe un certificat pour épouser le 28 octobre à Coulonges-les-Sablons Geneviève Dugué (ou Duguay). Le couple va vivre à Coulonges-les-Sablons où naissent leurs enfants. L'épouse meurt en juillet 1669 à 40 ans. Guillaume est plus solide et assistera au mariage de ses enfants :

- Jacques né vers 1655, vigneron qui épouse en 1680 à Frétigny Jeanne Chatet.
- Marie née le 9 octobre 1657 qui épouse en 1681 Louis Miollais dont elle aura dix enfants nés à Coudreceau ou Saint-Victor-de-Buthon.
- François né le 13 mai 1663, laboureur, marié en 1687 à Coudreceau à Françoise Baileau
- Eloy né le 4 janvier 1666, man?uvre, potier, marié en 1689 à Marie Baileau (s?ur de Françoise).


Les actes inscrits dans les registres paroissiaux nous apprennent que Guillaume Laillet était texier en toile. Le terme - texier- dont les variantes sont : tixier ou tessier est synonyme de tisserand. Parmi les tisserands on distinguait :
- les tisserands de lange qui faisaient les étoffes de laine
- les tisserands de linge ou de toile qui faisaient les étoffes de chanvre ou de lin.

Les métiers étaient donc définis de façon précise. Guillaume Laillet tissait les fils de chanvre, plante cultivée dans les chènevières dont disposaient tous ceux qui avaient un petit lopin de terre. Les plus anciens tissus d'habillement qui ont été découverts intacts en Chine datent de 4000 avant JC et sont en chanvre. L'étoffe de chanvre est quasiment inusable ; pendant des millénaires elle a servi pour les vêtements, les linges, mais aussi les voiles ou les cordages. Rien d'étonnant à ce qu'elle ait servi à vêtir les habitants des campagnes pendant des siècles.

Le métier de tisserand a toujours existé et nécessite un métier dont la version basique consiste en un simple cadre de bois. Les métiers sont verticaux ou horizontaux et n'ont guère évolué jusqu'à la fin du XVIIIe quand sont apparus les métiers mécaniques inventés par Jacquard, puis les systèmes à vapeur. Sur le métier sont fixés les fils de chaine entre lesquels sont passés avec une navette les fils de trame.





















Tisserand - vitrail de la cathédrale de Chartres


La fabrication textile est traditionnelle et ancienne dans le Perche ; celle des toiles de chanvre remonte au XIe siècle. Mais c'est aux XVIIe et XVIIIe siècles qu'elle connait un essor important avant de décliner de façon irréversible après 1789. La prospérité valait tant pour la branche lainière des étamines, produit de luxe, que pour celle des toiles de chanvre destinées à un marché populaire. Les toiles de chanvre servaient pour les paillasses, les linges, les vêtements, mais aussi les voiles des bateaux ou les cordages. Leur production était concentrée sur deux centres principaux : Mortagne-au-Perche et Laigle, et trois centres secondaires : Bellême, Nogent-le-Rotrou et Villeray près de Rémalard. Les marchands et négociants faisaient travailler des tisserands disséminés autour des bourgs-centres mais aussi dans les zones rurales environnantes.

Guillaume Laillet est installé à Coulonges-les-Sablons à 10km de Rémalard et à 12kms de Nogent-le-Rotrou ; il se trouve donc dans la zone de production des toiles de chanvre. Mais la seconde partie du règne de Louis XIV correspond à une période de crise et de reconversion et donc les dernières années de Guillaume Laillet sont difficiles, ce qui peut expliquer la misère dans laquelle il finit sa vie.


Saisie : Dominique LECOINTRE-MONTAGNE

Dernière modification : 22 Septembre 2019

 

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